Il y a juste un an que mourait Nicanor Parra à 103 ans. C’était le frère ainé de la chanteuse Violeta Parra (Gracias a la vida). Pourfendeur de ce paradis de l’idiotie solennelle qu’est la plupart du temps la poésie, il a posé dans la littérature du 20ème siècle quelque chose de neuf et d'iconoclaste, l’antipoésie, l’écriture à la bonne franquette qui met le lyrisme en quarantaine pour lui substituer l'ironie, l'humour et le sarcasme. Lawrence Ferlinghetti l’a très vite repéré et publié dans ses éditions de la city light. En France ce n’est qu’en 2017 que le Seuil a publié ses poèmes et antipoèmes : « À la différence de nos aînés / -Et je le dis avec tout le respect- / Nous soutenons / que le poète n’est pas un alchimiste / Le poète est un homme comme tout le monde / un maçon qui reconstruit son mur : / un reconstructeur de portes et de fenêtres. / Nous, nous conversons / Dans le langage de tous les jours / Nous ne croyons pas aux siècles cabalistiques.»
Ce 23 janvier, j’ai feuilleté un double ouvrage que m’a envoyé Jean-Pierre Lesieur, et il y a du Nicanor Parra chez lui, la poésie sans chichi, la bouteille de jaja versée aux copains dans des verres en duralex. Ça s’appelle Ouvrier Poète Revuiste Une vie. Il raconte sa vie. En guise de marque-pages, il y a un carton d’invitation : « Venez sans crier gare / Le ciel est à pierre fendre / Un orage de grêle / Engrosse l’horizon / Venez sans crier gare // Asseyez-vous ! / Sur ma rose fanée / Sur mes limites absurdes / Sur ma margelle muette / Sur la mousse épuisée / de mes hautes aventures// Asseyez-vous / Buvez ! / Buvez bon Dieu / C’est la coutume / On m’en voudrait longtemps de tirer / Mon fusil / Sur des cœurs de passage »