Deux ouvrages que j'invite à redécouvrir. Ils rentrent dans la thématique du printemps des poètes 2010 "couleurs femme"
Un objet silencieux
ouvrage imprimé en couleur orné d'encres de Paola Di Prima, (10 €)

Une double hélice
d’écriture
Au cœur d’une rencontre, souvent (toujours ?), un mystère. Pourquoi elle, pourquoi moi / pourquoi moi,
pourquoi elle. Elles ? Edith Azam, rouge, Valérie Schlée, noir. Au cœur de la rencontre, singulier et prenant, cet objet
silencieux.
Si l’on remonte le cours du temps, que découvre-t-on ? Un atelier d’écriture, celui d’Hervé Piekarski, et une
présence, celle de Charles Pennequin. Ce jour-là, Edith Azam lit à haute voix un texte qu’elle vient d’écrire et sa façon de lire et plus encore peut-être sa voix attirent et intriguent Valérie
Schlée. Elles se parlent, elles décident de s’écrire ; par voie postale puisqu’elles habitent l’une à Montpellier, l’autre au Sud de Carcassonne. Cette correspondance avec son tempo bien
particulier, presto pour Edith, largo pour Valérie, s’oriente autour de l’écriture, de la relation de
chacune avec l’écriture mais aussi de l’écriture de leur relation : « moi je voudrais te lire en cercle / N’oublie pas, d’abord c’est le livre. ». S’impose alors en effet l’idée du
livre et à partir de ce moment-là la correspondance s’amplifie et s’oriente vers ce projet. Textes et mots circulent, permutent, s’échangent, se répondent.
Le résultat : cet objet silencieux, ce texte duel qu’on a envie de comparer à la double hélice de l’adn tant l’encre noire de
l’une et l’encre rouge de l’autre semblent s’enlacer en un projet vital commun, simplement ponctué, ajouré par les encres de Paola Di Prima qui prennent ici un rôle de résonateur.
Un objet silencieux, un livre, enfant improbable de la rencontre. Né d’une sorte de pas de deux, où les écritures, les esprits, les cœurs, les corps se frôlent, se cherchent,
se répondent mais aussi choisissent de rester dans le suspens, dans le « tiraillement entre ce qui naissait de l’écriture et ce qui se vivait dans la relation ». Autour d’une sorte de
non-dit, de silence central, tel le vide du vase, le vide qui donne forme au livre, l’objet silencieux. « Notre histoire demeure dans
l’innommable [qu’il faut prononcer bien sûr in-nommable], dans la verticalité des songes ». La nommer, de quel que nom que ce soit – amour / amitié – aurait sans doute tari la double
écriture, tué l’objet silencieux.
florence trocmé
(poézibao)
*
Il faudra accorder le temps à l’espace. Faire sonner le LA. Tout oublier : les lauriers roses
sur la terrasse, le vent, les abricotiers –
Il faudra remettre la boîte, fermée, au milieu de la table, au centre du chemin. L’oiseau de Damas, recouvrir la cage, laisser
battre l’horloge, vide –
Il faudra disposer le ciel, bleu du ciel, de l’étang, celui sous la paille, laver les murs. Le piano nuit et jour, s’étendre entre les mots,
sculpter le silence.
Il faudra laisser les portes ouvertes, reposer sa tête oui, ne jamais étancher sa soif, refaire le chemin et si c’est une boîte à musique,
l’ouvrir.
Il faudra, un peu, s’abstenir d’écrire, accepter la nuit, apprendre à ne plus : reconnaître. Laisser les intérieurs en
silhouette. Taire ces autres choses dans un commun mortel –
Il faudra, au travers des persiennes, ne rien voir venir. Dans le jardin, couper les roses dans la convention du bouquet, qui
tristement : se fane –
Il faudra préserver les couleurs, fermer les yeux, un peu, sur les mots absents, et qu’adviennent les gestes apaisants, la proximité sauvage des
papillons de nuit.
Il faudra marcher sur les rivages du chagrin, jusqu’à se perdre. Enfin nager loin, pour redessiner les contours et retrouver les vêtements du
voyage.
Le deuxième date de 2006. Un spectacle mis en scène par Laurent Bourdelas en a été tiré.
http://bourdelas.canalblog.com/archives/2010/02/11/16875415.html
86 pages au format 14 x 21, (8 €)

Je suis une petite fille je ne m'aime pas Je collectionne
les savons à cause de mes blessures Mes blessures sont imaginaires Elles
concernent l'enfance Maman voulait que je mette une chemise sous ma robe bretelles Moi je ne voulais pas Elle a dit que j'étais contrariante Moi je voulais des flon flon sur mes épaules nues J'ai mis la chemise à
travers laquelle on voit mes petits seins Je ne suis pas jolie malgré ce que dit Maman Je sais que c'est un mensonge. Des savons, il y en a de toutes les sortes. Je les garde dans un bocal
Parfois je les sors un à un Je les regarde tous Je les renifle Il est hors de question de me laver avec Chaque fois que je sors en ville avec Maman, je m'achète un savon. Ma famille a honte Je ne
sais pas pourquoi A la maison il y a une pièce magique Une bibliothèque avec une machine.