Une heure avec « Mes amis » d’Emmanuel Bove (vieux livre de poche) mais ce titre se trouve aux éditions « L’arbre vengeur ».
C’est l’histoire d’un blessé de la guerre (14-18) un peu, et blessé de la vie, normalement, un solitaire qui cherche à se faire des amis avec toutes les maladresses des égarés de l’existence, des encombrés de la relation à l’autre, des mendiants d’une affection quelconque qu’ils ne savent pas par quel bout aborder. Le livre plutôt fin se découpe en chapitres assez courts comme autant de nouvelles au style précis et minimaliste s’appuyant sur des phrases courtes et d’une attention aux détails d’un quotidien intemporel qui le rend étonnamment moderne (il est sorti en 1924) et quasi universel.
« Un homme comme moi, qui ne travaille pas, qui ne veut pas travailler, sera toujours détesté. J’étais dans cette maison d’ouvrier, le fou, qu’au fond, tous auraient voulu être. J’étais celui qui se privait de viande, de cinéma, de laine, pour être libre. J’étais celui qui, sans le vouloir, rappelait chaque jour aux gens leur condition misérable. »
Ce roman se place du côté des humbles et des laissés pour compte montrés avec leurs faiblesses et leurs maladresses, leurs désirs dérisoires et leurs angoisses ordinaires avec ce sentiment de s’être trompé de vie en rentrant dans un corps à la limite de l’étrangeté mais auquel on s’accroche maladivement comme notre seul bien dans l’absurdité de l’infini :
« Je me sens tout petit à côté de l’infini et bien vite j’abandonne ces réflexions. Mon corps chaud, qui vit, me rassure. Je touche avec amour ma peau. J’écoute mon cœur, mais je me garde bien de poser la main sur mon sein gauche car il n’y a rien qui m’effraie tant que ce battement régulier que je ne commande pas et qui pourrait si facilement s’arrêter.»