Une heure avec Christophe Jubien, « La Tristesse du Monde », éditions Henry, http://www.editionshenry.com/index.php?id_article=451
Ferré dit quelque part que la mélancolie, c’est un désespoir qui n’a pas les moyens. Ça vaut aussi certainement pour cette tristesse qui s’insinue discrètement dans les poèmes de Christophe Jubien. Tellement discrète qu’un humour tout aussi léger n’est jamais bien loin. « Mes pieds crasseux / d’avoir marché nus ce matin / dans des chaussures usées / sous une pluie battante // se reposent un moment / sur le carrelage bleu des toilettes / où je tue le temps / en regardant mes pieds // tout abîmés comme s’ils avaient / grimpé des montagnes / traversé des jungles / usé des steppes / avant de me rejoindre / en ce début de XXIème siècle / où tout reste à faire // le dîner la vaisselle / et le lit des enfants / la guerre aux fous de guerre / et l’amour / puisque c’est avec lui / que je brûle / de refaire ma vie. »
C’est rien que du quotidien avec des personnages qui vivent comme ils peuvent, qui meurent parfois parce que c’est l’usage. La misère côtoie le dérisoire, le mari trompé qui se passe la corde au cou et l’égouttoir en plastique bleu sous l’évier d’un gîte où passe le temps des vacances, la vieille maman qui voudrait retenir un peu ses grands enfants, l’ex taulard qui va se le jouer à la Kérouac ce qui lui reste de vie, les vendredis soir au supermarché et la solitude. Et entre tout ça on croise de sublimes graines d’espoir : « … / un jour, je le crois / la beauté reviendra / pas encore, pas de suite / il faut d’abord que je me voûte / m’affaiblisse, rapetisse / il faut du temps, des défaites / d’innombrables deuils / avant de redevenir enfant / et recouvrer tout l’univers / dans l’examen ébloui / d’une goutte de rosée / venue au monde / dans un chou / pas plus sot qu’un autre. »