Cette semaine
J’ai retrouvé cette photo dans un dossier de l’ordi.
Elle représente Sophie Braganti et Pierre Autin-Grenier invités il y a quelques années à Châteauroux-les-Alpes pour notre festival, l’ivresse des livres. Ils boivent un coup au bar des Alpes à côté de notre épicerie littéraire.
Pierre est mort le 12 avril.
Dans ses radis bleus (ouvrage qui me l’a fait connaître dans les années 90 et que j’ai lu deux fois très lentement pas plus d’une page par jour pour que ça dure plus longtemps), il y a des choses comme ça :
« Samedi 18 juin.
Sainte Léonce
Ainsi, parfois, est-il nécessaire d’empoigner résolument la brouette verte, la charger à ras bord d’énorme blocs de pierre, puis pousser, comme ça, sans but des heures durant autour de la maison, jusqu’à se persuader enfin que, lourdement, le monde quand même existe. »
J’approuve à 100 %.
Cette semaine, j’ai reçu un bô poème de Roger Lahu
« Dona nobis pacem »
un encore autre (toujours autre)
jour fini
a week also on dit ça « fin de semaine » on souffle
tu poses la besace de la besogne
ordinaire
comme une ancre qu’on jette
à l’eau pour
stopper la dérive d’une piètre barcasse
et éviter qu’elle dérive
tu enfiles un vieux froc
un sweet maculé
tes bottes de caoutchouc
et ah quelle impatience
prends ta canne ton sac
ton seau ton épuisette
et fonce fonce fonce
yes yeaaap yeappeee
vers la rivière
ça pleusine
peu te chaut
piscator peccator
“agnus dei,
qui tollis peccáta mundi,
dona nobis pacem »
la paix ? les martins pêcheurs
te l’apporteront
si les anges font défaut
Cette semaine j’ai vu que
Thierry Roquet parle du dernier Dejaeger « ouvrez le gaz 30 minutes avant de craquer l’allumette » ici http://moritchum.blogspot.be/2014/04/ouvrez-le-gaz-30-minutes-avant-de.html
Et Cathy Garcia également :
Patrice Maltaverne du dernier Tissot : http://poesiechroniquetamalle.centerblog.net/
Samuel Dudouit du dernier Artufel :
http://www.lacauselitteraire.fr/j-aurais-du-prendre-des-photos-yves-artufel
Cette semaine j’ai lu
« Le musée clandestin » d’Emmanuel Merle, éd Pré carré, http://precarreditions.hautefort.com
Outre que les petites brochures que fabrique Hervé Bougel sont très élégantes et originales, sa ligne éditoriale est d’autant plus sympathique à mes yeux qu’elle est tout à fait proche de mes goûts. Ainsi Emmanuel Merle est au programme éditorial Gros Textes de cette année. Avec cet ouvrage, on pénètre dans un espace proche des tableaux de Chirico, une descente imagée dans l’inconscient « le colimaçon est obscur comme une artère / le sang dévale et passe / devant quelques portes// il est difficile de les ouvrir c’est si rare / qu’on s’y essaye mais quelquefois // c’est nécessaire le sang se repose / s’étale et remplit les salles derrière les portes / le musée est ouvert »
Lou Raoul a également été publiée il y a quelques temps d’abord en revue puis sous forme de recueil. « exsangue » est proche dans le ton du musée clandestin d’Emmanuel Merle. Ici on croise une femme et un bouquet, un vieux puits et un bidon métallique au fond d’un jardin ouvrier, deux oiseaux au corps chaud et pourtant morts et des mots obsédants comme un ricanement à l’abandon.
« Plus tard, encore » de Michaël Glück. Quelque chose de l’ordre de l’envoûtement poétique dans ce recueil : « à qui demande quel / est l’avenir de la poésie / je dis mon désarroi / mon ignorance qu’/ il n’y a pas d’avenir / sans la poésie / visage bâillonné / n’est plus visage // à ta table / garde une assiette pour les morts / une autre pour les vivants // tu ne sais / qui sont les absents »
« un long silence pâle » de Didier Pobel, c’est la neige, aquarelle d’enfant malade, promesse de cendres ou spectacle de mime, qui se décline dans l’émerveillement de ces matins qui empêchent le jour de crier.
Et pour finir une chanson poème de Bernard Dimey par Jehan (je sais pas si c’était la même année que Pierre Autin-Grenier qu’il est venu chez nous mais ce soir j’ai comme une envie de Dimey) pour boucler la boucle de la semaine et mouiller les yeux.