Sébastien Lespinasse
Fougax et Barrineuf vont en bateau
récit-poèmes
(Définition)
Je
connais un pont qui relie deux ponts entre eux,
de telle sorte qu’on ne sache jamais vers quel côté
de la rive on se dirige. Ces deux ponts inverses et
complémentaires, je les ai appelés Fougax et Barrineuf,
non pas par pure convention, mais parce qu’ils m’ont
appelé et que je ne sais pas toujours comment résister.
*
- Regarde Barrineuf !
Fougax s’exclame, très excité.
- Regarde, regarde bien !
Fougax a un caillou dans la main gauche.
- Regarde !
Il ouvre la main : le caillou bascule sur le côté puis tombe en faisant un bruit mat.
- Tu comprends ? Est-ce que tu comprends Barrineuf ?
Barrineuf reste interdit devant ce spectacle.
- Attends ! Attends ! Tu vas voir ce que tu vas voir !
Fougax montre alors un deuxième caillou, sensiblement de même taille et de même forme que le précédent. Il le tient dans sa main droite.
Il regarde fixement Barrineuf avec un air de défi dans les yeux.
Il prend son souffle.
- Hop !
Il lance le caillou en l’air, le caillou monte de quelques centimètres, son ascension se ralentit puis il amorce un second mouvement de redescente, enfin il chute complètement à terre en faisant encore le même bruit mat.
Tout cela a duré moins d’une seconde.
- Tu comprends, tu comprends maintenant Barry ?
Barrineuf acquiesce lentement le visage empreint d’une profonde gravité.
Fougax lui sourit. Lente progression jusqu’au
caillou de la cervelle. Les lèvres crispées de
Barrineuf finissent par se détendre.
Alors ils se prennent dans les bras l’un de l’autre.
Alors ils s’embrassent.