Bon faudrait quand même se réveiller, c’est presque le printemps. Du coup j’ai lu un peu.
De la poésie :
Décharge 172, décembre 2016 (http://www.dechargelarevue.com/Decharge-172.html)
Ça caresse et rassure parfois, « on vit en se tenant aux lignes comme aux bords d’un bastingage » ou ça claque et surprend quand Yves-Jacques Bouin nous invite à découvrir cette remarquable poète autrichienne, Margret Kreidl, « Rester couché / Ne pas pleurer / Joindre les mains / Ne pas rire / Montrer son derrière / Dire merci / Ne pas s’endormir », on découvre Estelle Fenzy, « nous rassemblons les arbres / et nous crions : forêt », on sourit avec Yves Ellien et on réfléchit avec Claude Vercey, on a plaisir à retrouver Guy Allix et on se quitte avec l’humour pongien d’Igor Quézel-Perron, bref on n’a pas perdu son temps et puis « Contre toutes les apparences / de l’histoire et de nos vies / C’est toujours la bonté qui gagne / la bonté, l’intelligence, la beauté. » Alors…
Microbe n°SANG dit l’ULTIME, mars 2017(http://courttoujours.hautetfort.com/sport/)
Dernier rencart du pas de côté de la poésie.
« Garde ton sang-froid pour la tombe.»
« N’importe quel enfant de chœur vous le dira : le sang du Christ a goût de vinasse.»
On salue l’aventure des compères belges.
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Des romans à caractère social :
Un petit boulot de Iain Levison :
« Je suis un sacré fêlé? Regarde autour de toi, Ken, un monde sans règles. Il y a des gens dont le boulot consiste à faire passer des tests anti-drogue à des employés de magasin. Des gens qui veillent à ce que d’autres n’apportent pas d’arme au boulot. Des gens dans des immeubles de bureaux qui essaient en ce moment même de calculer si licencier sept cents personnes leur fera économiser de l’argent. Quelqu’un est en train de promettre la fortune à d’autres s’ils achètent une cassette vidéo qui explique comment améliorer leur existence. L’économie c’est la souffrance, les mensonges, la peur et la bêtise. »
« Les hôpitaux ferment, les restaurants ferment, même les soldeurs ferment. Pourquoi les postes de police restent-ils ouverts ? Le besoin de punir la populace locale est visiblement plus important que celui de la soigner, la nourrir et l'habiller. »
Les tribulations d’un précaire de Iain Levison
« D'accord, nous avons fait des progrès depuis l'édification du barrage Hoover ou depuis que les ouvriers mouraient en construisant les voies ferrées, mais l'attitude des entreprises vis-à-vis de ceux qui accomplissent le travail est restée la même. »
« Au cours des dix dernières années, j’ai eu quarante-deux emplois dans dix États différents. J’en ai laissé tomber trente, on m’a viré de neuf, quant aux trois autres, ça a été un peu confus. (…) Sans m’en rendre compte, je suis devenu un travailleur itinérant, une version moderne du Tom Joad des Raisins de la colère. À deux différences près. Si vous demandiez à Tom Joad de quoi il vivait, il vous répondait : “Je suis ouvrier agricole.” Moi, je n’en sais rien. L’autre différence, c’est que Tom Joad n’avait pas fichu quarante mille dollars en l’air pour obtenir une licence de lettres. »
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Et toujours des pépites sur le blog de Cyril C Sarot :
Ce matin j’ai écrit, puis j’ai passé l’après-midi à lire Les nuits d'octobre de Gérard de Nerval, suivi de plusieurs pages du journal de Rudigoz, puis d’un chapitre des Frères Karamazov (Le grand Inquisiteur), suite justement à un propos de Rudigoz sur la liberté. Et l'on voudrait me faire croire que j’aurais fait quelque chose de plus noble, de plus urgent, de plus « utile » en consacrant ma journée à chercher un emploi ?
(En réalité, c’est assez simple : ceux qui veulent empêcher quiconque, talentueux ou pas, d’écrire, de lire, de questionner, de mettre en doute, de s'aménager l'espace et le temps de réfléchir à ce qu'il désire, de créer, de rêver, d'explorer, de penser, au profit d’objectifs subalternes qui ne participent en rien de l’élévation de l’être ; ceux-là mêmes sont les ennemis de l’esprit, de l’intelligence, du vivant et pour tout dire : du genre humain.)
Cyril C Sarot blog https://lapoetiquedumoineau.wordpress.com/