C'est un type, il a dû passer une heure avec
"Les riches heures du cycliste ordinaire" d'Olivier Cousin,
https://sites.google.com/site/grostextes/publications-2017/cousin-olivier,
du coup moi je suis allé me balader à pieds.
Olivier Cousin en poète pédalant
Il y a tant de manières de raconter sa passion du vélo. De Paul Fournel à Luis Nucera, les auteurs ne manquent pas. Le Breton Olivier Cousin fait aussi partie de cette cohorte (mais sur un mode mineur, celui d’un homme qui enfourche sa bicyclette bleue chaque matin pour aller au travail). Il ne s’agit donc pas, pour lui, dans son nouveau petit opus, de remonter à l’enfance, de nous faire goûter « la madeleine de Proust » des premiers pédalages et des premières chutes dans les fourrés ou sur le gravier et, encore moins, d’évoquer des passions vélocipédiques liées au passage du Tour de France.
Olivier Cousin n’est pas, non plus, celui qui regarde le passage des saisons depuis la selle de son vélo même si quelques références au printemps (des fleurs de cerisiers du Japon restées accrochées à ses cheveux) ou à l’automne (quand il roule/sans réfléchir/au cœur des feuilles tombées/des châtaigniers et des hêtres ») sont là pour montrer qu’il sait aussi renifler l’air du dehors. Non, le poète breton est plutôt là pour nous livrer ses méditations et réflexions de poète pédalant : «Le monde chavire/Il ne fait pas assez attention en traversant/Le monde perd l’équilibre/entre ses valeurs et ses désirs d’aller de l’avant/Le cycliste regarde ce naufrage permanent/en haut de sa selle/jamais assez rembourrée ».
Olivier Cousin nous parle aussi de lui. Il se jauge dans ses pédalées vers le lycée où il enseigne le français. « Le poète est un cycliste ordinaire/Hors au commun des modèles/Au même titre que le cycliste/est parfois un poète ordinaire ». Mais il y a chez lui l’art de tourner le dos à certaines arrogances ou postures littéraires et, en définitive, à se moquer de lui-même. « J’aime la simplicité/le concret et le cambouis/Je garde ma tenue de tous les jours/pour monter en scène/ - en selle, pardon ». Pas dupe, en effet, de ce « chic » qui entoure volontiers aujourd’hui la pratique vélocipédique. Il peut donc tranquillement écrire : « J’ai toujours eu tendance/à ne pas être tendance ». Ses « riches heures pédalantes » sont donc l’occasion de distiller quelques maximes ou propos goguenards. « Il n’y a jamais de pire moment/pour perdre les pédales/que lorsqu’on a la tête ailleurs » (…) La vie est simple/comme un tour de vélo/Rien ne sert de bomber le torse/Il faut pédaler/un point c’est tout/en gardant le tempo ».
En écrivant aujourd’hui sur le vélo et ses pédalages quotidiens, Olivier Cousin garde le sillon qu’il a commencé à tracer dans ses précédents recueils de poèmes : jeter un regard amusé sur les grandes simagrées et grandes turpitudes du monde. Sans jamais oublier de témoigner d’une forme d’inquiétude liée au temps qui passe. Au point d’évoquer, dans un ultime poème, son propre enterrement et même de formuler certaines « directives anticipées » : être enterré près de son vélo bleu. « Il témoignera pour moi/que la roue continue de tourner ».
Pierre TANGUY.