12 mai 2019
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19:48
Que mourait Saul Steinberg en 1999, il se présentait comme « un écrivain qui dessine ». Je vois chez certains dessinateurs un lien évident entre dessins d’humour et poésie (Chaval, Bosc, Bonnot, Henry…)
Mourait également ce jour Jean Dubuffet en 1985. Longtemps ses œuvres firent scandale. Là encore quelques poètes virent en lui un des leurs. Son œuvre bafouillée, pleine de fautes de goût et d’orthographe académique, recèle assez de mystères pour que le poète s’en délecte.
« Le vrai art il est toujours là où on ne l'attend pas. Là où personne ne pense à lui ni ne prononce son nom. L'art, il déteste d'être reconnu et salué par son nom. Il se sauve aussitôt. L'art est un personnage passionnément épris d'incognito. Sitôt qu'on le décèle, que quelqu'un le montre doigt, alors il se sauve en laissant à sa place un figurant lauré qui porte sur son dos une grande pancarte où c'est marqué Art, que tout le monde asperge aussitôt de champagne et que les conférenciers promènent de ville en ville avec un anneau dans le nez » (L’homme du commun à l’ouvrage)
Quant à moi, ce jour, je me suis coltiné de la tentative de souvenir modeste :
« Je me souviens de ces mots de ma mère : « Qu'est-ce-que tu vas pas inventer ».
Aujourd'hui, j'aimerais bien me souvenir ce que c'était ces trucs incroyables que j'inventais. »
11 mai 2019
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On s’en souvient certains matins de ce poète Dominique Labarrière, mort en 1991, ignoré de son vivant, oublié aujourd’hui et dont il y a très peu de traces sur internet. On éprouve parfois comme le besoin incompréhensible de lire quelques lignes de cet auteur. Alors on va, un peu fébrile, retourner sa bibliothèque pour trouver trois ou quatre minces plaquettes des éditions Mai Hors Saison et tomber sur ceci : « A trop parler de soi, l’on arrive à ne plus rien dire : mimes et répétitions d’habitudes d’où l’on est exclu. » ou encore « Ces petits riens qui, jour après jour, se répètent encore et encore jusqu’à te laisser penser que, sans eux, tu n’es pas. » (Une cure d’inefficacité)
On va passer la journée à cogiter là-dessus jusqu’à écrire : « Dormir comme mer sans rivages et oublier de voir l'éclair d'une vie. » ou encore : « Il est étonnant que l'expression « ce n'est rien » soit destinée à rassurer alors que bien souvent ce rien a déjà pris une place démesurée et ô combien inquiétante. »
10 mai 2019
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20:50
Qu’il y a 38 ans, on était content de voir apparaitre sur l’écran de la télé le visage d’un nouveau président de la république. On avait tort d’être content. Mais on ne pouvait pas savoir.
On s’en souvient aujourd’hui 10 mai de ce poète, André Laude, et l’on va chercher une trace de ses écrits dans les paquets de revues alentour et l’on tombe sur un hommage d’André Laude à Bernard Dimey dans un numéro de la revue Hors Jeu de 1989 : « Il aimait le vin, les poèmes de Rictus et de Gaston Couté, les chouettes bistrots, les copains, les jolies femmes. Il détestait qu’on l’appelle poète. Il se voulait seulement chansonnier. C’était sa pudeur… Il aimait l’esprit d’enfance… » Prétexte au fond pour écouter Reggiani chanter Dimey :
Quant à moi, j’en suis là :
« - Bon qu'est-ce-que je disais déjà ? Où en sommes-nous ?
- Au niveau de la taupe dans la galerie !
- Très bien, très bien ! »
9 mai 2019
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On s’en souvient certains matins de ce poète, Maurice Roche qui écrivit un ouvrage intitulé Un petit rien-du-tout tout neuf plié dans une feuille de persil où l’on peut lire ceci :
— On s'imagine que…
— Quoi ?
— Rien. On s'imagine. C'est tout…
Quant à moi : « J'ai l'impression de ne pas avoir beaucoup changé / depuis le berceau. / Je joue à secouer les barreaux, / tripote mon tuyau / et attend la becquée. »
8 mai 2019
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20:28
Que mourait John Fante en 1983. Son style resserré sans trace de gras ou fioritures inutiles nous embarque à tous les coups. « Quand elle a saisi ma main et l'a serrée entre ses longs doigts doux, quand les lourds bracelets d'or ont tinté comme des cloches à ses poignets, j'ai été si bouleversé que j'ai ricané bêtement. »
Quant à moi… « Un seul être vous manque... et puis pas de bile ça va passer. Enfin normalement. »
7 mai 2019
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21:21
Que mourait Caspar David Friedrich en 1840. Il paraît que son tableau « Deux hommes contemplant la lune » a inspiré Beckett pour l’écriture d’ En attendant Godot.
« On trouve toujours quelque chose, hein, Didi, pour nous donner l'impression d'exister ? »
Quant à moi j’ai écrit : « Chacun son petit tas de poussière. C'est émouvant. »
6 mai 2019
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21:03
Que mourait Pierre Sansot en 2005. Je le trouve attachant cet ami des gens de peu, de la lenteur et des chemins. « Ce qui est nouveau, c'est que l'agir (qui dépasse les frontières du travail) apparaît aujourd'hui comme une valeur supérieure, comme si, faute d'agir, un individu s'exténuait et disparaissait. De ce fait, les rêveurs, ceux qui contemplent ou qui prient, qui aiment silencieusement ou qui se contentent du plaisir d'exister, dérangent et sont stigmatisés. »
Quant à moi j’ai écrit ceci :
J'aurai souvent dit dans cette vie :
« Allez-y, je vous en prie ! »
5 mai 2019
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22:05
Que naissait Max Elskamp en 1862. J’ai une immense affection pour ce poète humble, doutant de lui en permanence et traînant un mal de vivre jusqu’à sombrer dans la folie à la fin de sa vie. Au-delà de l’évocation de sa solitude et de son spleen, ses poèmes sont teintés de mystère à la limite du fantastique et une grâce quasi envoûtante qui me fascine à tous les coups s’en dégage.
« Mais j’ai construit une petite maison / Dans les lointains dimanches où je fus seul, / Mais j’ai construit une petite maison ; // Et j’ai voulu qu’il n’y fût d’autre, au seuil, / Que vous, et votre tête, et vos belles mains, / Et vos yeux qui semblent des ronds dans l’eau… »
Quant à moi dans les parages j’ai écrit : « On garde écho lointain de ce temps où caresses et frissons conjugaux, nichés aux draps de lit, filaient dans l’eau des fontaines sous les coups de battoir des lavandières de nuits d’amour. »
4 mai 2019
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20:30
Que naissait Valère Novarina en 1947. Il m’arrive régulièrement de feuilleter, halluciné son flot verbal de métaphysique bouffonne.
« Très précisément, chaque mot désigne l'inconnu. Ce que tu ne sais pas, dis-le. Ce que tu ne possède pas, donne-le. Ce dont on ne peut parler, c'est cela qu'il faut dire. » (Devant la parole)
Et mon écriture du jour colle pas mal à ce qui précède : « Les limites de notre monde sont celles de notre langage » (L.Wittgenstein). Effectivement, je regarde cette affirmation comme un ciel étoilé qui me laisse sans voix.
3 mai 2019
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J’ai lu Bistrots d’Alain Boudet avec des encres de Matt Mahlen, éd. Donner à Voir, https://www.donner-a-voir.net/index.html « Solitaire attablé / arrimé à sa chaise / toujours la même / et au silence / chacun le sait // Jean-Louis ne parle pas / mais il est là // C’est suffisant / pour qu’il existe / aux yeux des autres. »
Et j’ai écrit ceci : « Suivre un chemin presque secret. Du lierre et de la mousse, un filet d'eau qui dégouline et quelques bruits qui craquent contre le crâne. La pénombre et les fantômes. Branches cassées comme baiser. Indifférente route comme une vie. Traversée comme en un songe. Et c'est toujours là que je me sens en panne de présence. »