Que Cesare Pavese décidait d’en finir en 1950.
« L'homme seul - qui a été en prison - se retrouve en prison / toutes les fois qu'il mord dans un quignon de pain. / En prison il rêvait de lièvres qui détalent / sur le sol hivernal. Dans la brume d'hiver / l'homme vit entre des murs de rues, en buvant / de l'eau froide et en mordant dans un quignon de pain. // On croit qu'après la vie va renaître, / le souffle s'apaiser, et l'hiver revenir / avec l'odeur du vin dans le troquet bien chaud, / le bon feu, l'écurie, les dîners. On y croit, / tant que l'on est en taule, on y croit. Puis on sort un beau soir / et les lièvres, c'est les autres qui les ont attrapés / et qui, en rigolant, les mangent bien au chaud. / On doit les regarder à travers les carreaux. // L'homme seul ose entrer pour boire un petit verre / quand vraiment il grelotte, et il contemple son vin : / son opaque couleur et sa lourde saveur. / Il mord dans son quignon, qui avait un goût de lièvre / en prison ; maintenant, il n'a plus goût de pain / ni de rien. Et le vin lui aussi n'a que le goût de brume. // L'homme seul pense aux champs, heureux / de les savoir labourés. Dans la salle déserte / il essaye de chanter à voix basse. Il revoit / le long du talus, la touffe de ronciers dénudés // qui était verte au mois d'août. Puis il siffle sa chienne. / Et le lièvre apparaît et ils cessent d'avoir froid. »