Que naissait Raymond Carver en 1938. Surtout connu pour ses nouvelles qui mettent en scène les misères ordinaires des gens modestes avec ce réalisme du quotidien souvent proche d’une certaine forme de poésie. Et ses poèmes ressemblent à ses nouvelles.
« MÉMOIRE // En coupant les queues d’un quart / de panier de fraises - le premier / du printemps - et me demandant / comment j’allais les déguster ce soir, dans ma solitude (Tess est en voyage), / je me rappelai avoir oublié de lui transmettre / un message quand on s’était parlé. / Quelqu’un dont j’avais oublié le nom / avait appelé pour dire que la grand-mère / de Susan Powell était morte brutalement. / Je continuai de préparer les fraises. / Mais je me rappelai autre chose en revenant / de l’épicerie, sur le bord de la route / une petite fille en patins à roulettes qui se faisait tirer par un gros chien à l’air sympa. / Je lui avais fait signe. Elle m’avait répondu. Puis avait sévèrement rappelé son chien à l’ordre, qui n’avait de cesse d’essayer de flairer l’herbe tendre du fossé. / Il fait presque nuit maintenant. / Les fraises sont au frais. / Tout à l’heure, en les mangeant, / je me remémorerai tout ça à nouveau - dans un ordre ou dans un autre - Tess, la petite fille, un chien, des patins à roulettes, la mémoire, la mort, etc. » (Là où les eaux se mêlent)