Veille de grève et manif, avec ce film qui m’émeut au plus haut point. Une sorte de tragédie classique se joue dans ces dix minutes qui résument toute la problématique des luttes sociales des cinquante dernières années. On y voit un des plus beaux portrait de femme que le cinéma ne m’ait jamais donné à voir. Une ouvrière qui refuse de reprendre le travail quand des cadres syndicaux tentent de la convaincre d’être raisonnable, que les changements se font par étapes, qu’il faut être patient, se contenter de ce qu’on a obtenu. Face à ce discours l’ouvrière oppose le refus obstiné en un gémissement douloureux et bouleversant de celle qui ne se soumet pas. Il y a du Kierkegaard, du Chestov, du Dostoïevski dans sa position.
"Tant que la réalité sera telle qu'elle est, de manière ou d'autre, - par le poème, par le cri, par la foi ou par le suicide – l'homme témoignera de son irrésignation, dût cette irrésignation être – ou paraître – absurdité ou folie. " (Benjamin Fondane)
C’est la thématique de Job qui demande des comptes à Dieu et refuse l’arbitraire même s’il peut paraître insensé de s’opposer seul à la toute puissance.
" Devant le tribunal de l'éthique, ce n'est pas Job, ce sont les amis de Job qui ont raison: un homme raisonnable ne peut tout de même pas espérer et exiger que les lois de l'univers soient modifiées à cause de lui! Or c'est précisément ainsi qu'agit Job: il ne veut rien savoir, il exige, à toutes les remontrances de ses amis, il n'a qu'une réponse: vous êtes d'ennuyeux consolateurs." (Léon Chestov)
La démarche est également chargée d’une intense poésie qui m’évoque le poète marseillais Gérald Neveu : " JE NE M’HABITUERAI JAMAIS / Et je te lègue cette simple profession de foi ".
Bref un document d’une rare intensité à voir et revoir…