Et pour faire lien très subjectif avec Federman, et rester encore un peu dans l’humour décalé, le pastiche pas sérieux et pourtant quand même, une heure avec Eric Chevillard et son Vaillant petit tailleur aux éditions de minuit.
J’ai été enchanté (comme toujours avec Chevillard) par la réécriture pastichée à l’extrême du conte des Grimm, tout en digressions fantaisistes, décrochages narratifs, implication du lecteur dans le récit (comme y excelle Federman également), d’anecdotes cocasses avec tout de même en arrière plan une intention résolument révolutionnaire mais façon Bartleby de Melville « L'écrivain lui aussi est un petit héros prétentieux, qui avec ses maigres moyens, refuse de laisser faire, défie l'ordre établi, cherche à ébranler le système des géants. »
Et on ne peut réduire Chevillard à son humour passablement dévastateur, comme toujours chez les plus grands, la poésie affleure derrière la dérision :
« Le jour où le vaillant petit tailleur remplira de poissons rouges le bassin de son parc (économie d'eau : le poisson nage aussi bien dans le poisson), je m'assoirai avec lui sur le rebord de pierre et nous resterons là, apaisés enfin, parvenus au terme de notre errance, le vaste monde dans notre dos réduit à l'étroit chemin qui nous a menés là. »