Une heure avec un roman jouissif comme je m’en régale, « Ábel dans la forêt profonde » d’Áron Tamási, traduit du hongrois par Agnès Járfás, éditions Héros-Limite.
C’est le récit initiatique d’un gamin de 15 ans malicieux et facétieux qui rentre, forcé, dans le monde du travail, garde-champêtre à demeure dans une chaumière en ruine, accompagné de fidèles amis, le chien Puce, un matou, une chèvre et un fusil, il voit défiler une faune populaire qui malgré conflits et mauvais coups demeure une authentique famille. Le roman se termine sur la tombe de la mère du jeune homme : « Je me rendis avec Puce sur la tombe de ma mère. J’y fis le serment que, où que mon chemin me conduise, je porterais toujours le drapeau des pauvres et des opprimés. »
Une réflexion aussi drôle (les dialogues sont souvent irrésistibles) que douce-amère (l’amour pour le chien borgne que le héros a cru perdu « Viens, Puce ! On s’en va maintenant pour aboyer l’univers entier ! ») sur l’humaine condition et un enchantement de lecture.
«Après quoi je me dis: quelle créature mystérieuse que l’homme! Le jour, il lutte contre ce qui est, et la nuit il lutte contre ce qui n’est pas. Et lorsque le jour et la nuit passent, ce qui avait existé devient parfaitement identique à ce qui n’avait pas existé. Quelle curieuse créature! Il a tant d’intelligence, qu’il est capable de fabriquer une arme en acier, comme il est capable d’inventer le diable du néant, mais il ne pourra jamais deviner ce qui arrivera demain, pourtant, il aurait été facile de deviner avant-hier ce qui allait arriver hier.»