Un week-end en déplacement achats de livres pour les revendre dans notre bouquinerie associative. J’ai passé quelques moments en bord de route, en bord d’étang ou de lac (journées caniculaires dans la région de Grenoble) avec « L’autofictif père et fils » d’Eric Chevillard. Des années que cet auteur (un des plus originaux du moment selon moi) tient un blog où il consigne trois pensées chaque jour. Ici c’est la cuvée 2009-2010. Une absolument au hasard : « Il ne naît que des bébés clowns. Hélas, notre monde n’offre pas de débouchés pour tous et la plupart se réorientent vers la finance, le commerce ou la mécanique ». Somptueux. Ou la politique. C’est soir de résultat électoraux et je ne sais pourquoi, moi qui ne vais voter qu’une fois sur quatre et toujours avec dégoût, je me passionne pour ce que chacun a à dire de sa victoire (qui annonce généralement de futures défaites) ou de… son insuccès relatif.
J’ai sous les yeux une citation d’Elfriede Jelinek extraite de son roman peut-être le plus époustouflant, « les exclus » qui se passe dans les années 50 : « Les socialos ne sont pas précisément le parti favori de Witkowski - on n'est pas des ouvriers - mais cette fois, ils ont fait du bon boulot, faut être juste. Peut-être ont-ils enfin tiré la leçon de l'histoire et vont-ils soutenir d'emblée les seules forces dignes d'être soutenues, les forces du capital, il n'en n'existe d'ailleurs pas d'autres, car l'argent gouverne le monde, se dit l'invalide qui n'en possède point et donc logiquement ne gouverne rien mais comme chacun sait, l'argent gouverne bien tout seul. » Voilà pour la soirée de dimanche.
Non, pour coller à l’état d’esprit d’un certain nombre d'entre nous ce soir, une bande annonce du film de Youlountas, « je lutte donc je suis », j’ai les larmes aux yeux à chaque fois avec cette intro d’Angélique Ionatos qui lit le poète Odysséas Elytis : « Et viendront des années pâles et faibles / préservées dans la gaze. / Et chacun aura ses quelques grammes de bonheur. / Et toutes choses ne seront plus en lui / que de belles ruines. » et une chanson de Jean-François Brient (dont je ne saurais trop recommander « De la servitude moderne », film conçu à la façon de ce que faisaient les situationnistes dans les années 70 mais bon j’en parlerai une autre fois.