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15 juin 2015 1 15 /06 /juin /2015 21:19

21 - Après une semaine Hyvernaud, il me semble que Béranger est dans le ton...

Le catalogue Gros Textes a migré ici : https://sites.google.com/site/grostextes/.

 

19 et 20 - Feuilles volantes de Georges Hyvernaud, le Dilettante

« Ça venait de partout, la poésie. Des premières gerbes, des chansons pour elle. Des rêves, des aubes, des roses, des courants d’air aussi. C’était né dans ces têtes qu’on pouvait voir, pas jeunes pour la plupart. Ils en avaient amené dans de valises, dans des boîtes à biscuits, dans des sacs de plage. Des pleins sacs de rythmes, en veux-tu en voilà. Des valises bourrées d’oiseaux, de papillons blancs, de mots chantants. Les gens du quartier regardaient les poètes. On les aurait pris, les poètes, pour des pas-poètes. Pour des employés du gaz, des garçons de bar, des coiffeurs, des cordonniers, des marchands de billets de Loterie nationale, des gens des pompes funèbres, des putains, des fonctionnaires, des figurantes de music-hall, des colonels en retraites, des flics. Ils étaient cela aussi, ils étaient aussi dans le gaz, la loterie, la retraite, la police, la galanterie. Accessoirement. Ils avaient les cheveux sales, des calvities grasses, des moustaches décentes, des palmes académiques, des lorgnons. Ils avaient l’air de tout le monde. L’air vaincu. L’air harassé. L’air abruti. Et il y en avait qui faisaient les idiots, qui chahutaient... Ils vous accrochaient au passage.

Un petit coup d’œil, voyons. Ça ne vous engage pas. Un racolage ingénu, plutôt triste. Fallait-il qu’ils eussent envie de les vendre leurs vers. Des vers mûris dans les soirées studieuses, entre la femme et les gosses. Certains venus de Reims, d’Aix-en-Provence, ou de Royan-sur-Mer. Et porteurs de références – un article de six lignes dans Le Provençal libéré ou dans L’éclair de la Loire-Inférieure. »

 

18 - Feuilles volantes de Georges Hyvernaud, le Dilettante

« Qu’est-ce que cela vaut, la culture ? Qu’est-ce que cela pèse ?... Je me rappelle ce garçon qui me disait un jour : on m’a mystifié ; on m’a fait faire des étude pour que je devienne un monsieur ; et maintenant ça y est, me voilà avec des tas de diplômes ; on me promet un bel avenir ; mais quand je pense à mon père qui est menuisier, et à tout ce que mon père sait faire avec ses mains, eh bien, voyez-vous ça me dégoûte d’être devenu un monsieur… »

 

17 - La peau est les os de Georges Hyvernaud, pocket

« Beuret reprise une chemise, soigneusement. Elle a bien déjà une dizaine de pièces, sa chemise, et ça se déchire toujours à côté des pièces. Ça ne tient plus, ça fout le camp de partout. Pourtant, en s’arrangeant, on peut encore la faire durer. Beuret coud, tant bien que mal, un carré d’étoffe à côté des autres. Voilà : ça fera huit jours, deux jours. Il ne faut pas être exigeant, réclamer un long avenir. Quand on est pauvre, il ne s’agit jamais que de gagner un petit bout de temps. Toujours on est à lutter contre l’usure, la faim, la maladie ; on ne compte pas sur une vraie victoire, une victoire une fois pour toutes ; on veut seulement faire durer un peu ; et renouveler de jour en jour ce miracle de la durée. On a beau être rongé de fatigue, on tiendra bien tout de même un peu. Un corps de pauvre, c’est comme une chemise de pauvre. Ça trouve toujours un lambeau de force pour la tâche immédiate. Après, on verra. On ne pense même pas à ce qui viendra après. Bon pour les riches, les projets. Un pauvre, quand il a cassé la croûte, il se dit qu’en voilà pour une bonne journée. C’est comme la vieille chemise. C’est comme les souliers dont on prolonge indéfiniment l’existence avec des ficelles, des morceaux de cuir ou de carton. Satisfactions à court terme, l’avenir toujours bouché, une perpétuelle improvisation pour seulement subsister. Et au fond, pourtant, une impression de sécurité. Parce qu’en faisant attention, en ne demandant pas trop, on a toujours fini par l’emporter sur la destruction des choses, sur la destruction de soi. Et en somme il n’y a pas de raison pour que ça ne continue pas. « 

 

16 - La peau est les os de Georges Hyvernaud, pocket

« La T.S.F., le cinéma, le téléphone, le phono : toutes les machines inventées pour nous soustraire aux contacts directs, aux corps à corps avec les hommes et la nature. Toutes d’accord pour opérer une incroyable altération de notre vision de la vie. Autrefois, un homme, quand il était là, c’est qu’il était là : complet, entier, rassemblé. Et de même un événement. Mais aujourd’hui on ne sait plus ce qui est absence, ce qui est présence. On avance en somnambule parmi les apparences, des reflets et des fantômes. »

Et en 1949, le téléphone portable était encore loin.

 

15 - La peau est les os de Georges Hyvernaud, pocket

« J’ai longtemps tourné autour de la misère. Il y a des gens, dès qu’ils arrivent dans une ville, qui cherchent la cathédrale, ou le cimetière, ou les bordels. Question de goût. Moi, c’est vers les quartiers pauvres que j’allais. C’est ça qui m’attirait. Les façades noires, les guenilles aux fenêtres, ces créatures délabrées qui vous regardent passer… Les hôtels Renaissance, les églises du XIIIe siècle, je m’en fous. Mais j’ai passé des heures à flânocher dans Martinville. Martinville, c’est un quartier de Rouen. L’un des lieux les plus désolés que je connaisse. Pour voir la pauvreté, il faut se balader dans Martinville. De la belle pauvreté vraiment, bien authentique, bien grasse, bien pourrie d’alcool et de vérole. De la pauvreté pour connaisseurs… »

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