Semaine de gros textes n°1 (5-12 janvier)
Cette semaine
j’ai fabriqué un ouvrage d’Eric Dejaeger au titre bucolique « Ouvrez le gaz cinq minutes avant de craquer l’allumette ». Il est illustré et mis en page par le poète performeur Pierre Soletti.
Eric est certainement l’auteur que j’aurai le plus publié. C’est qu’il se situe sur ces terrains de lisière de poésie sinon mal famée au moins littérairement incorrecte où Gros Textes aime faire trempette.
« J'ai lu une voiture,
j'ai fumé une voiture,
j'ai bu une voiture.
Si je n'avais jamais
ni lu
ni fumé
ni bu
je serais l'heureux proprio
de 4 voitures
dont je ne saurais que foutre
de 3 d'entre elles.
Tout est donc très bien
comme cela
&
je m'en vais
me décapsuler une bière
&
m'allumer un cigarillo
avant de me replonger
dans mon bouquin. »
J’ai lu
Décharge n°160 – http://www.dechargelarevue.com , revue-decharge@orange.fr
Le bonheur de 7 pages d’aphorismes de Jean-Pierre Georges, « Ils sont combien à refaire, tout seuls, dans leur garage, un monde en allumettes. » Je savoure lentement à petites gorgées. »
Un dossier rumination sur le thème « Pourquoi aller à la ligne ? » question à laquelle le seul argument valable selon moi (enfin que je comprends) est de Grégoire Damon « je reviens à la ligne parce que si c’était assez bon pour Dante, Villon, Agrippa d’Aubigné, Coleridge, Baudelaire, Rimbaud, Corbière, Apollinaire, Cendrars, Bukowski et Kerouac, il n’y a pas de raison que je fasse le dégoûté. ».
Un hommage à Rüdiger Fischer, éditeur allemand des éditions « En forêt / Verlag Im Wald» et grand traducteur, il fut plusieurs années mon voisin de stand au festival de Lodève et nous avait confié des traductions d’auteurs allemands du temps de Liqueur 44. Il est mort au printemps dernier.
Grâce à Yves-Jacques Bouin, on découvre la poésie galloise de Zoë Skoulding dont je ne trouve rien à dire. Par contre je dirais bien des poèmes de Patricia Catex Menier, là tout de suite dans la nuit en dansant autour d’un feu. Ben oui des fois ça me prend. A part ça il y a plein d’autres choses comme d’hab, des notes de lecture fouillées et efficaces, des chroniques, pleins d’autres poètes…
Microbe n° 80, http://courttoujours.hautetfort.com/ , c’est la revue d’Eric Dejaeger avec que des textes courts généralement littérairement incorrect, tout ce que j’aime tel Georges Elliautou, auteur en 2009 d’un « Aphorismes et vignettes » chez Gros Textes dont il me reste pas mal d’exemplaire, avis… « On fêta la victoire tant et si bien qu’une querelle d’ivrognes déclencha une nouvelle guerre. »
Traction-Brabant n° 54, http://traction-brabant.blogspot.fr/, c’est la revue de Patrice Maltaverne et c’est un peu comme microbe en plus gros avec des textes qui coulent sur la peau de la gorge si on veut les dire à haute voix où l’on retrouve Eric Dejaeger : « 69th street // Ne passent / par la très démoralisante /& peu ragoûtante / Rue des Chiens / Ecrasés / que celles & ceux / qui ne peuvent faire / autrement. »
Sous les feuilles de Christian Degoutte, éd. P.I.sage intérieur, www.p-i-sageinterieur.fr
Faut pas se fier à la légèreté du titre, si on baigne parfois au fil de ce recueil dans des airs de petit ruisseau dégoulinant gentiment dans la clairière des nuits clandestines avec de ci de là quelques baisers printaniers, on est aussi parfois secoué par des sauvageries de torrents déchainés. Ça cogne, ça tape et ça coule ah ça oui c’est du recueil qui coule moi je dis, qui coule et qui chante aussi :
«… chante comme on embrasse à pleine bouche
chante ce que tu contiens de bêtes voraces
ce qu’on est comme bouche d’eau sale ce qu’on est
comme trous d’eau boueuse
ce qu’on a dedans comme couleur de poche
mais pas drapeau pas voix claquant au vent
sinon qu’auras-tu fait d’autre de ton souffle
que te coudre dans le sac de la mort
avec du fil de misère… »
Miroitement sur terre de la petite flaque d’eau de Christophe Jubien, éd. Donner à voir, http://donner-a-voir.net
On rentre encore une fois dans la grande mouvance des morceaux de regards émerveillés portés sur l’infime de la vie et ses foules de natures mortes, le balancement de plume, la fragilité de nos pas, les petites tasses de jour avec leur anse cassée, une musique légère et insistante, le chemin qui mène tranquillement au cimetière.
« Joël
Son estomac lui fut ôté
en même temps que son cancer
il vous le dit tranquillement
tout en fouillant dans une boîte
en quête d’une vis pour sa visseuse
c’est son problème du moment
quand il aura trouvé
il fera comme tout le monde
faute d’une boucle à boucler
il passera à un autre problème
à un autre moment. »
Et une chanson pour finir :
Un mail de Christian Paccoud nous apprend le décès d’Alain Féral. Je pensais ne pas connaître mais en suivant un lien j’ai appris que c’était le compositeur chanteur du groupe « les enfants terribles », c’est très années 60. La chanson « c’est la vie qui nous mène » s’est imprimée quelque part dans ce qu’il reste de traces de mon cerveau de gamin du côté de la Pointe-Rouge à Marseille.
Quelques autres titres traînent sur you tube, comme « le poète et la rose » ou « Hissez » de petits bijoux de chanson populaire selon moi.