de Alexandra Bitouzet
C’est varié, c’est court mais fort. C’est grave aussi, on ne peut pas dire le contraire, mais de la gravité de courte durée, qui n’a donc rien de pesant – car « le court est l’ennemi du grave », comme disait le cousin de Platon. En fait, la légèreté apparente que j’aime, que je recherche (et que tout le monde devrait aimer et rechercher, si vous voulez mon avis d’égocentrique), est étrangement créée par la forme – comme souvent, mais ici plutôt dans la construction que dans la phrase. Elle n’est pas dans le texte (quoique, de temps en temps quand même), elle n’est pas dans les ingrédients mais dans la manière de les utiliser, de les présenter. Le « détachement » est provoqué automatiquement à la fin de chaque texte : la forme nous décolle de force, et ça ne fait pas de mal. Les illustrations de Lili contribuent d’ailleurs à ces respirations, à cette prise de recul, d’écart, avec le sombre, le dense, comme une gorgée de champagne entre deux petits fours pimentés, comme un coup d’œil vers le ciel, quelques nuages blancs, entre deux idées noires. Puis on y retourne. Bref, j’ai englouti tout le plateau et, à la fin seulement, je me suis rendu compte que j’avais bien mangé, l’air de rien. C’est tout l’art du bon auteur : se servir à la fois de la forme et du fond, habilement, pour nourrir le lecteur presque à son insu, sans qu’il ait l’impression d’être une oie qu’on gave ni un môme qu’on calme aux Dragibus. Alexandra et Lili y sont parvenues à la manière de deux danseuses, de deux cuisinières danseuses. C’est une belle œuvre. Je trouve.
Philippe Jaenada
(extrait de la préface)
ISBN : 978.2.35082.237.2
104 pages au format 10 x 15, illustré par Lili Cameau, 8 €